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Un problème en profondeur

mars 29, 2021  By Pierre Deschamps


Souvent présentée comme une solution durable capable de remplacer des sites de production d’électricité moins durable, l’énergie géothermique alimenterait plusieurs dizaines de millions de personnes dans le monde à partir de quelque cinq cents centrales de toute taille,

Pour obtenir cette énergie, il faut en général forer à une profondeur de plus de 4 000 mètres pour injecter de l’eau qui, au contact de la chaleur de la roche qui atteint à ce niveau environ 200 degrés Celsius, remontera sous pression à la surface par un ou plusieurs puits de production. Cette eau est alors acheminée soit vers un échangeur thermique qui la transformera en chaleur, soit vers une turbine qui produira de l’électricité.

En Alsace (est de la France), le groupe Fonroche Géothermie, espérait, comme le rapporte l’hebdomadaire français L’Express « mettre en service fin 2021 la première centrale de géothermie française [installée à Vendenheim, à quelques kilomètres de Strasbourg] produisant à la fois de l’électricité et de la chaleur, avant de lancer trois autres centrales autour de Strasbourg ». Or ce scénario vient d’être sérieusement mis à mal.

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Tout commence début décembre 2020 quand trois tremblements de terre de magnitude variant entre 2,6 et 3,5 se succèdent en moins de quatre heures dans la région de Strasbourg. Ce qui inquiète à la fois les citoyens et les autorités. Rapidement ces dernières estiment que, en raison de son exposition à des séismes de cette magnitude, le site de la centrale de n’offre pas les garanties de sécurité voulues.

Certains responsables locaux parlent de « méconnaissance technologique » relativement à ce qui peut survenir quand des forages en profondeur doivent être réalisés. Alors que d’autres affirment « que le lien de confiance dans cette technologie est rompu ». Conséquence : le 3 janvier 2021, les autorités décrètent que la centrale en question doit mettre définitivement fin à ses activités.

Un coup très dur pour Fonroche Géothermie qui perd un investissement de 100 millions d’euros, tout en devant absorber le coût de remise en état du terrain de la centrale et en étant contrainte de mettre un frein à ses trois autres projets dans la région.

La suite dira si cet incident sonne le glas de cette filière de production d’électricité, en Alsace à tout le moins. Quoi qu’il en soit la géothermie pourrait avoir de beau jour devant elle pour produire, cette fois, simplement de la chaleur, comme l’illustre un projet en cours de réalisation dans la région française de Centre-Val de Loire, cette fois.

Il s’agit du couplage d’une serre à une installation géothermique qui, s’il est « correctement dimensionné permet d’obtenir un outil de production synchronisé aux saisons et bénéficiant d’une très haute efficacité énergétique tout au long de l’année », soutient le porte-parole d’AgreenTech Valley, un centre de recherche dédié aux technologies numériques pour le végétal (grandes cultures, cultures spécialisées, forêt).

Propriétaire avec son mari de la ferme où cette installation géothermique est en cours de construction, Céline Martin-Min a expliqué, dans une interview donnée récemment au journal Le Berry Républicain, que : « Avec cette serre nouvelle génération, il s’agit d’optimiser la pousse des semis sous serre par le maintien de températures idéales aux végétaux et l’étalement de la saison de production sur l’année, mais aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre sur l’exploitation agricole par une solution géothermique sobre et durable à travers la captation et la restitution de la chaleur au sol ».

« Nous travaillons sur ce projet de géothermie depuis deux ans. Le choix de la géothermie s’est fait presque naturellement vu que nous sommes sur un site classé aux monuments historiques et que nous n’avons pas droit à l’éolien et au photovoltaïque », explique Céline Martin-Min.

Comme l’indique le site Révolution Énergétique qui renvoie au rapport annuel qu’a publié en août dernier l’Association européenne de la géothermie (EGEC) : « Le marché européen de la génération d’électricité par la géothermie profonde est dominé par 3 pays : la Turquie dont les installations totalisent une puissance de 1 523 MWe, l’Italie avec 916 MWe et l’Islande (754 MWe). À eux seuls, ces trois-là produisent 97 % de l’électricité d’origine géothermique du continent ».

Mais la construction de centrales de géothermie soulève certains soupçons. Ainsi, comme le signale Révolution Énergétique, le doute est grand dans un village de 478 résidents du centre de la France où un promoteur prévoit construire une centrale dont la puissance ne dépasserait pas 6 MW, ce qui est fort peu. D’où cette rumeur qui s’est répandue dans la région : « Cette méthode de production d’électricité renouvelable ne serait-elle qu’un prétexte pour extraire le précieux lithium des sous-sols ? »

Au dire de la Gazette des communes, un site WEB français qui présente des informations sur l’activité en région, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) serait à mettre « au point une technologie couplant le captage du CO2, provenant de fumées industrielles, avec de la géothermie. Ces stockages de CO2 de petite taille, localisés près des sources d’émission, permettent de récupérer la chaleur de l’aquifère ».

Pour leur part, Mikael Philippe et Fanny Branchu, œuvrant au sein du BRGM, soutiennent que : « Il existe un moyen de produire du frais et du froid en été, écologique, économique et qui s’intègre harmonieusement à son environnement : la géothermie », une filière qu’ils présentent comme « une solution à la hausse des températures ». Car, comme ils le soulignent : « La géothermie est bien connue pour la production de chaleur ou d’électricité, mais on oublie parfois que la stabilité des températures du sous-sol peut aussi contribuer à refroidir ». Ce qui revient à dire que la géothermie permettrait – rien de moins – de climatiser de manière tout à fait « durable » !

Chez nous, le site Le Narval a récemment publié un article sous le titre « Pourquoi l’industrie géothermique du Canada gagne enfin du terrain » qui rappelle que : « La chaleur sous la surface de la Terre a fourni une source d’électricité fiable pendant des décennies dans de nombreux pays – mais pas au Canada. Désormais, plusieurs projets en cours dans les provinces de l’Ouest pourraient inaugurer une nouvelle ère pour cette ressource inexploitée et offrir des possibilités d’emploi aux anciens travailleurs du pétrole et du gaz ».

À titre d’exemple, l’article mentionne « DEEP, un projet près d’Estevan, en Saskatchewan, à l’avant-garde du nouveau développement géothermique à l’échelle commerciale du Canada. Avec sa première découverte forée en 2018, DEEP vise à terminer des études de faisabilité en 2020 et à envoyer des électrons sur le réseau d’ici 2022 », devenant ainsi prochainement « la première centrale électrique géothermique à l’échelle commerciale du Canada ».

Sur ce plan, comme sur bien d’autres d’ailleurs, les États-Unis ont une avance sur le Canada puisque : En 2019, selon site Resource for the Future, « sept États des États-Unis disposaient d’installations géothermiques, qui ont finalement généré une puissance de base représentant 0,4 % de toute la production à l’échelle des services publics aux États-Unis (16 milliards de kilowattheures) ».

Ce site mentionne également que : « Plus récemment, le Advanced Geothermal Innovation Leadership Act of 2019 aurait un certain nombre d’effets sur le potentiel et les coûts géothermiques jusqu’en 2050. Le projet de loi fournit un soutien gouvernemental en réduisant les frictions financières et réglementaires dans le développement des installations géothermiques ».

En somme, malgré les secousses ressenties dans la région de Strasbourg, la géothermie aurait bel et bien avenir devant elle, aux États-Unis assurément et, dans une moindre mesure au Canada.


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